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Le site était une haute terrasse alluviale qui s’étendait au bord de la Seine, jusqu’à 8 m au-dessus de la rivière. Cette altitude offrait une vulnérabilité moindre face au risque d’inondation, tout en restant proche d’une voie d’eau et des ressources qu’elle pouvait apporter. Il est vraisemblable que cette position topographique exceptionnelle au sein de l’interfluve de la Seine et de l’Yonne ait pu jouer un rôle de première importance dans le choix du site pour y aménager habitations et sépultures au cours de plusieurs millénaires.
Partiellement et anciennement détruit par l’exploitation de deux sablières vers 1930, le site des « Gours-aux-lions » a fait l’objet de fouilles de sauvetage, de 1963 à 1969 sous la direction de Claude Mordant et de Daniel Mordant, lors de la reprise de l’extraction des granulats alluvionnaires. Ces fouilles ont mis en évidence des traces d’installations humaines du Néolithique jusqu’à la période gallo-romaine et notamment un cimetière de la fin de l’âge du Bronze.
ien qu’incomplet à cause de l’exploitation ancienne de sablières, ce cimetière s’étendait sur environ deux hectares au sommet de la terrasse alluviale. Il s’était progressivement constitué entre le XIVe et le Xe siècle avant J.-C. par l’aménagement de 30 sépultures et de 6 fossés aux tracés curvilignes, formant des enclos circulaires ou ovales de 10 à 15 m de diamètre.
Selon toute vraisemblance, chacun de ces fossés entourait une sépulture aménagée en son centre de l’aire enclose et très probablement recouverte par un monticule de terre, de sable et de graviers, de pierres et peut-être de bois. Bien que peu profonds, les fossés étaient interrompus au sud ou au sud-est pour laisser un passage de 1 à 2 m de large vers leur sépulture. Mais après l’abandon du site, tout ce qui apparaissait en élévation fut arasé par les travaux agricoles ultérieurs. Seuls subsistèrent les vestiges situés sous les labours, notamment les sépultures enterrées plus profondément.
Le faible nombre de fossés, comparé à celui des sépultures, tend à montrer que ces enclos circulaires ou plus précisément ces tertres étaient réservés à certains personnages, dignes de sépultures fastueuses. L’étude archéologique de ces sépultures de l’âge du Bronze – l’une des toutes premières en Île-de-France – a montré la diversité et l’évolution des pratiques funéraires entre le XIVe et le Xe siècle avant J.-C. dans la région.
Sur les 30 sépultures attribuées à l’âge du Bronze final, 28 appartiennent à la phase la plus ancienne (1350 - 1150 avant J.-C.) et deux à la phase plus récente (1150 – 930 avant J.-C.).
Les sépultures de la phase ancienne montrent diverses pratiques funéraires : 16 inhumations en fosse circulaire ou rectangulaire, 7 inhumations en fosse allongée et 5 incinérations.
Toutes les inhumations furent l’objet de pillages bouleversant l’ensemble des vestiges. Seuls, les adultes des deux sexes sont représentés parmi les restes osseux recueillis, il n’y a pas d’enfants. Dans les fosses allongées, les corps étaient étendus sur le dos, tête à l’ouest ou à l’est. Dans les fosses circulaires, ils étaient couchés sur le côté, les membres repliés. Malgré les profanations, des objets ont été retrouvés dans les tombes : éléments d’armement en bronze, outils, accessoires vestimentaires, parures, récipients en céramique et offrandes alimentaires (restes osseux de mouton, de porc, de bœuf et de chien). Les tombes des individus âgés étaient les mieux dotées.
Les incinérations, peu nombreuses, se présentaient sous la forme de petites cavités creusées dans le gravier. Nombre d’entre elles ont dû disparaître à cause des travaux agricoles (labour) plus ou moins récents. Dans chaque cavité reposait une urne en terre cuite qui contenait des fragments d’os brûlés et quelques objets. Les défunts étaient incinérés avec leurs vêtements comme l’atteste la présence d’une épingle en bronze déformée par la chaleur parmi les os brûlés. L’urne était recouverte d’un récipient retourné en guise de couvercle. Autour de l’urne, la fosse pouvait recevoir d’autres récipients en terre cuite.
L’incinération n° 5, située au centre d’un enclos circulaire, présentait le dépôt funéraire le plus fourni et surtout le mieux conservé grâce à la profondeur de la cavité qui l’abritait.
Dans l’urne, de très grandes dimensions, un ensemble d’objets – non incinérés – reposait sur le lit d’os brûlés : des objets en bronze (un rasoir, un poignard, un ciselet, une pincette, deux hameçons et trois viroles), un fléau de trébuchet en os, des petits fragments d’or, un grain d’ambre, une hachette polie en roche verte et un galet de silex (pierre à affuter ?). L’agencement de ces objets a révélé l’existence d’un contenant en matière périssable, une sorte de sacoche, avec un système de fermeture à coulisse. Hormis le rasoir et le poignard, les objets se trouvaient dans la sacoche.
Tous ces objets personnels pouvaient être liés aux activités ou au statut social du défunt. L’association du trébuchet et des fragments d’or a suggéré aux chercheurs l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’un orfèvre.
Quant à l’analyse des ossements, elle a établi que cette personne était un adulte, sans pouvoir cependant en préciser le sexe ; elle a également permis de déceler la présence d’un chien sur le bûcher funéraire. La fonction du défunt devait être éminente pour justifier une telle sépulture.